mardi 20 octobre 2009

Le Soleil, notre Dieu Unique et Céleste à tous

Bien avant l'apparition des religions révélées (le judaïsme, le christianisme, l'islam) les peuples noirs africains, à la différence des autres peuples, n'étaient pas paganistes. Ils ne croyaient pas en plusieurs dieux. Ils croyaient en un dieu unique qui vit au ciel, et aux ancêtres qui, eux, vivent sous terre. Ces attributs unique et céleste justifient l'adoption des noms africains de dieu par les religions révélées. Jéovah et Allah sont indifféremment nommés Mawu, Esso, Nyamien, Lago, etc. dans les églises, temples et mosquées d'Afrique noire.
Alors, question : qu'est-ce qui a bien pu suggérer aux Négro-Africains l'idée d'un dieu unique et céleste avant les réligions du Livre? Pour y répondre, suivons ce que la lexicologie (étude du vocabulaire) du Tem, langue Gur, et ses proches parentes nous apprennent à propos de soleil.
Dans cette langue du Centre du Togo, les mots montrer, sécher, soleil et étoile ont la même racine, wil. Le rapport entre soleil et sécher est évident. Celui entre soleil et montrer l'est moins. Toutefois le rapprochement des deux mots avec étoile peut lever un coin du voile. En effet, il existe un point commun entre montrer (guider, orienter) et les deux astres. En mer et dans le désert, les seuls guides pour qui se déplace d'un point A à un point B sont le soleil le jour et les étoiles la nuit. Pour le marin et l'homme du désert, le soleil et les étoiles sont des sortes de skyguides.
Si la langue des Tem qui vivent aujourd'hui dans une zone forestière devenue savane à cause des pratiques culturales voit dans le soleil et les étoiles des guides, ce n'est pas par rapport l'environnement actuel, mais par rapport à un environnement antérieur qui a dû être un désert. Le peuple du désert auquel fait allusion la langue tem n'est assûrément pas le peuple tem actuel. Celui-ci ne peut être qu'une portion d'un peuple plus ancien dispersé par groupes, dont le groupe tem ou, plus vraisemblement une portion de groupe. L'hypothèse pourrait être justifiée si les peuples Gur parents, autres groupes ou portions de groupes de l'ancien peuple du désert, ont, eux aussi, la même racine pour désigner le verbe montrer et/ou le nom soleil. Parmi ces peuples parents il y a les Kabiyè du Togo, les Sissala et les Mossi du Burkina Faso. La langue kabiyè a le même mot que le tem pour désigner le soleil. Le sissala et le mooré (langue des Mossi) ont la racine win pour soleil. Les linguistes savent que souvent les consonnes l et n sont des variantes. Donc win et wil sont des variantes d'une même racine. Mieux, dans les langues du Burkina, soleil et dieu ont le même nom. Chez les Tem, dieu se dit Esso; c'est la même désignation en kabiyè mais ici Esso désigne aussi le soleil, parce que quand l'éclipse met aux prises le soleil et la lune, en kabiyè on parle plutôt de dieu (Esso) et de lune. Ainsi donc soleil et dieu sont une seule et même réalité.
L'évocaltion d'une vie antérieure dans le désert et l'association de soleil et dieu nous renvoient indubitablement à l'Egypte. La question n'est pas de savoir si cette Egypte antique était noire ou blanche, les mots envisagés ici disent simplement que les ancêtres des Gur actuels y ont vécu et y ont adoré un dieu unique et céleste symbolisé par le soleil. On peut même situer la période de ce séjour. Jusqu'à Akhénaton le panthéon égyptien était pluriel, un panthéon ayant à sa tête, il est vrai, le dieu Amon Râ , associé au soleil. Mais avec Akhénaton est intervenue l'unicité de dieu. Aton, le dieu d'Akhénaton n'était rien d'autre que le soleil. Avant de quitter l'Egypte, les ancêtres des Gurs actuels ont connu la période d'Akhénaton. Il semble qu'ils n'aient pas connu celle de Ramsès le Grand qui a restauré le panthéon pluriel et tenté de gommer de la mémoire de l'Empire le Pharaon hérétique et son unique Aton. Mais les Gurs ne sont pas les seuls héritiers d'Akhénaton parmi les peuples négro-africains. Comme je l'ai dit tantôt il n'y a pas une langue africaine qui n'ait un nom de dieu et un peuple qui ne croit en un dieu unique et céleste. Quand on sait que Moïse est comtemporain de Ramsès II et donc postérieur à l'apparition de la notion d'un dieu unique et céleste, on est tenté de penser que le dieu unique et céleste des trois Livres révélés est l'héritage d'Akhénaton et qu'en matière d'héritage du Pharaon, les ancêtres des peuples négro-fricains ont dû devancer les gens du Livre. Le dieu des Négro-Africains porte différents noms mais sous ces noms se trouve le même Etre unique et céleste, Aton ou le Soleil.

5 commentaires:

  1. Cette hypothèse est vraiment passionnante.
    Dans son ouvrage "la naissance du monothéisme", André lemaire distingue la monolâtrie (le culte d'une divinité unique) du monothéisme (croyance en une seule divinité). Ainsi, l'adoration d'un dieu unique, n'est pas forcément synonyme de monothéisme. Quel est ton avis sur la question?

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  2. Je n’ai pas l’avantage d’avoir lu André Lemaire. Je ne peux donc pas contextualiser les mots monolâtrie et monothéisme qu’il utilise. De l’extérieur, je dirais que la monolâtrie est l’adoration d’un Etre, physique ou immatériel, céleste ou terrestre. On peut qualifier l’adoration de Bouddha, par exemple, de monolâtrie. Mais le monothéisme fait allusion à un Etre extérieur à l’humain et même au monde terrestre, même si parfois il peut prendre la forme humaine, en somme un dieu. Et puis le mot monothéisme s’inscrit dans un contexte d’adoration de plusieurs dieux. Ainsi le monothéisme est comme un aboutissement, un progrès, alors que la monolâtrie constate un état de fait, sans se poser la question de savoir comment on en est arrivé à l’adoration. Un monothéiste est quelqu’un qui adore un dieu unique alors qu’il aurait pu en adorer plusieurs, mais son adoration de ce dieu est de la monolâtrie.

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  3. Félicitations cher Pr Tchagbèlè pour l’étymologie des ces mots qui indiquent la relation entre les astres et la navigation. Je suis d’accord avec l’hypothèse concernant la notion du Dieu unique chez des peuples africains avant les religions du livre.
    Par contre, je crois qu’il nous faut relativiser lorsque tu dis que « il n'y a pas une langue africaine qui n'ait un nom de dieu et un peuple qui ne croit en un dieu unique et céleste ». Il semble que le Haussa (qui a eu une très grande influence sur le Tem à cause du prosélytisme islamique) n’a pas cette notion du Dieu unique, raison pour laquelle ils ont adopté l’appellation Allah. A ce jour, il ya en pays Haussa des musulmans, des chrétiens et des animistes. Les animistes n’ont pas dans leur langage une quelconque notion de Dieu.
    Là-dessus je rapporte ici une histoire du pays Haussa : une animiste qui habitait à côté d’une mosquée (communément appelée « maison de Dieu » ou « Djidan Allah ») fut convoquée à donner sa version des faits dans une dispute qui l’opposait à un musulman. Afin de prendre la parole devant la cour, il lui fallait jurer soit sur le Coran ou la Bible de dire la vérité et rien que la vérité, mais comme elle était animiste, le juge lui demanda tout simplement : « connais-tu Allah » ? Ce à quoi la dame répliqua : « Quoi ? Tu me demandes si je connais Allah ? Mais enfin comment peux-tu me demander si je connais mon voisin ? La maison d’Allah et la mienne sont côte à côte. Donc je connais bien Allah qui est mon voisin ».
    Autant dire qu’originellement, il n’ya aucun terme qui désigne le Dieu unique chez les Haussa. Cette notion est apparue avec l’islamisation d’une partie des Haussa. L’islam étant venue plus tôt que le christianisme en pays Haussa, les chrétiens ont aussi adopté Allah pour designer Dieu dans les églises. Je suis sûr que cela est le cas chez beaucoup d’autres peuples africains.

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  4. Excuse-moi, cher Aminou Ben Yaya pour le temps que j'ai mis à découvrir ta remarque d'une pertinence remarquable.
    Chez les Manding aussi, il est difficile de remonter à un nom de dieu unique autre que Allah. Je mettais cela sur le compte de l'oubli pour un peuple qui a été au contact de l'Islam en moins de deux siècles après l'apparition de cette religion. Le cas du hausa est assez intrigant. Faut-il le situer dans le même cadre que celui du manding? Faut-il le rapprocher de la civilisation arabe qui, bien qu'animiste avant l'Islam croyait en un Allah unique et céleste sans l'adorer? Le rapprochement avec le monde arabe est autorisé par la langue dont une partie de la grammaire, celle des genres: le hausa et l'arabe ont les mêmes genres féminin et masculin. Le maître ne doit pas affirmer que tous les élèves de sa classe sont présents tant qu'il n'a pas l'appel de A à Z. Je devrais donc limiter mon affirmation aux langues appartenant à la même famille génétique que le tem, la famille Niger-Congo, à laquelle n'appartient pas le hausa.

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