Le mot tem bɔɔlááwʋ 'tombe' est un nom
composé de bɔɔ-, radical du nom bɔɔwʋ́ ‘trou’ et de laawʋ. Au pluriel, il devient bɔɔlaanɩ. Le second composant
est donc laawʋ (pl. laanɩ).
Il faut distinguer par la
prononciation lááwʋ ‘forêt’ de laawʋ́ ‘mâchoire’, noms qui ont le même
pluriel láánɩ. Le
composant lááwʋ de bɔɔlááwʋ n’a donc rien à voir avec une partie
du corps. Que représente-t-il alors ?
A première vue, on penserait à la
forêt. Deux raisons à cela : a) les bouts de bois verts qui servent à
fermer la tombe peuvent bourgeonner et créer un mini bois sur cette
tombe ; b) le cimetière est à l’écart du village dans une zone qui, parce
qu’il n’est pas cultivée, devient un bois, une forêt. Pourtant si laawʋ de bɔɔlaawʋ était forêt alors le mot composé
serait plus approprié pour désigner un cimetière qu’une tombe puisqu’il
signifierait, mot à mot, ‘forêt de trous’ ou, si on veut, ‘forêt de tombes’. Or bɔɔlaawʋ désigne une tombe et, quand il y en
plus d’une, il devient bɔɔlaanɩ.
On peut avoir plusieurs tombes mais rarement plusieurs cimetières dans un
village.
Dans le composé bɔɔ-laawʋ, le
composant le plus important est bɔɔ- de bɔɔwʋ.
Cela veut dire que le nom bɔɔwʋ est l’élément déterminé. Si laawʋ est le déterminant, sa position à
droite indique qu’il a une valeur de qualifiant ou de quantifiant. En effet,
dans un nom composé tem, si le composant de gauche est le déterminant, c’est
qu’il assume un rôle de localisateur. Par exemple, les noms naalɩm ‘lait de vache’ et yɩlɩm ‘lait maternel’ le composant lɩm ‘eau’ est le déterminé tandis que les
composants naa-, radical de naanɩ‘vaches’ et yɩ-, radical de yɩlɛ ‘mamelle’, sont des déterminants. Ils
jouent le rôle de localisation ; l’un localise l’eau par rapport à la
vache, l’autre par rapport à une personne humaine. Dans les mots composés tels
que abaalazɛɛm ‘homme de teint clair’ et alʋvalʋ ‘jeune mariée’, le radical abaala-
‘homme (vir)’ et alʋ ‘femme’ sont les composants
déterminés. Le fait que leurs déterminants respectifs (kɩ sɛɛm ‘rouge’ et kɩ falʋ ‘nouveau’) sont des qualifiants les
oblige à se positionner à droite du déterminé. On en déduit que dans bɔɔlaawʋ si la valeur sémantique majeure est
dans le composant bɔɔ-, alors bɔɔwʋ ‘trou’ est le déterminé. Par sa
position à sa droite, laawʋ ne peut être qu’un qualifiant (ou un
quantifiant).
Si laawʋ de bɔɔlaawʋ est un qualifiant (quantifiant) alors
il ne s’agit pas de forêt. De quoi peut-il s’agir ? Un qualifiant dérive
soit d’un radical adjectival soit d’un radical verbal. Les radicaux adjectivaux
sont peu nombreux. Aucun d’eux n’a une forme qui le rapproche de laawʋ.
En revanche on relève deux verbes dont les radicaux se rapprochent de laawʋ ; ce sont laawʋ́ ‘faner’ et laá ‘faire une offrande’. Le verbe laawʋ est un verbe de qualification mais il
ne concerne que les végétaux, particulièrement les légumineux. Bien que
dépourvu de valeur de qualification, laa quant
à lui est du domaine des rites religieux, ce qui le rapproche de la tombe, de
la mort, toutes choses ou pratiques qui relèvent des rites religieux.
Du verbe laa sont nés de nombreux dérivés : 1)
le substantif láádɩ ‘offrande, sacrifice’; 2) le nom
composé laadɔ́ɔ (pl. laadásɩ)
‘terre où l’on fait des offrandes à ses aïeux, patrie’ ; 3) le substantif laawʋrɛ́ ‘parole forte, bénédiction ou
malédiction’ ; 4) l’infinitif lekí ‘s’adresser à l’esprit d’un ancêtre
pour solliciter de lui protection et meilleur sort, donner des conseils avec
insistance à quelqu’un, lui faire des bénédictions’.
Dans ce champ sémantique de
l’offrande et de la sollicitation, il peut y a voir une place pour un
qualifiant laawʋ qui permet de distinguer un trou
particulier, celui où l’on vient faire des offrandes et solliciter secours et
protection. Les tombes des cimetières actuels ne sont pas construites pour
durer. Deux ou trois ans après l’enterrement, la tombe disparaît. Le trou du bɔɔlaawʋ ne doit pas ressembler à nos tombes
actuelles. Le bɔɔlaawʋ devait être un lieu de vénération
commun à plusieurs familles. Il doit ressembler à une excavation sous le tronc
d’un arbre comme le baobab ou à une grotte de montagne servant d’ossuaire ou de
sépulture.
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