Un
être discret, rappelons-le, est un être constitué d’unités détachables, donc
comptables. Le vent, l’air, l’eau, ne sont pas des êtres discrets. Par contre,
l’homme, le caillou, l’arbre, sont des êtres discrets.
Quand
un être est discret, le nom commun qui le désigne, représente en fait la classe
des unités dont il est constitué. Le nom commun arbre désigne non pas un arbre particulier mais la classe de tous
ce qui se reconnaître dans les propriétés renfermées dans ce nom. Mais on peut
avoir besoin de désigner soit tous les arbres pris individuellement, c’est-à-dire
comme si on les avait comptés tous l’un après l’autres, soit une portion d’arbres
dont le nombre est égal ou supérieur à deux unités. Pour le faire on dérive le
nom qui désigne un certain nombre d’unités du nom qui désigne la classe d’unités.
En français, une telle dérivation va transformer arbre en arbres, cheval en chevaux. L’élément qui a servi à faire la dérivation est connu sous
le nom de marqueur de pluriel.
Quand
une langue est sans genres, le marqueur de pluriel est le même pour tous les
noms des êtres discrets. Quand la langue est à genres, deux possibilités
s’offrent à elle : ou bien elle se donne marqueur de pluriel invariable,
quel que soit le genre, ou bien elle offre un marqueur spécifique à chaque
genre. L’espagnol est une langue à deux genres : le masculin et le féminin.
Au genre masculin l’adjectif buen- ‘bon’
de cette langue a pour marqueur de genre, « o » : bueno ‘bon’. Au genre féminin il a pour
marqueur de genre « a » : buena
‘bonne’. L’espagnol se donne un marqueur de pluriel invariable, le même pour
chacun des deux genres : « s ». Au pluriel, bueno devient buenos et buena devient buenas. Le latin est aussi une langue à genres ; trois
genres : le masculin, le féminin et le neutre. A la différence de
l’espagnol, le latin a choisi d’attribuer un marqueur de pluriel variable :
une forme spécifique à chaque genre. Quand il participe à un complexe nominal
en fonction sujet, l’adjectif bon- ‘bon’ reçoit « us » comme
marqueur de masculin, et « a » comme marqueur de féminin. Au pluriel,
« us » est remplacé par « i » ; tandis que
« a » par « æ ». On a ainsi bonus
qui devient boni ‘bons’ et bona qui devient bonæ ‘bonnes’.
Le
tem procède de la même façon que le latin. Chacun de ses quatre premiers genres
(humain, dérivé, menu, neutre), en tant que genre de noms comptables, reçoit un
marqueur de pluriel de forme spécifique.
Le
genre humain a pour marqueur de genre « ʋ ». Le marqueur de pluriel
qui vient le remplacer quand le nom se met au pluriel a pour forme
« ba ». Ainsi les noms alʋ
(al-ʋ) ‘femme’, ʋrʋ (ʋr-ʋ) ‘personne’,
faɖʋ (faɖ-ʋ) ‘cultivateur’, bu (bi-ʋ) ‘enfant’ et ɖom (ɖom-ʋ) ‘serpent’ deviennent au
pluriel, respectivement alaa (al-ba)
‘femmes’, faɖaa (faɖ-ba)
‘cultivateurs’, biya (bi-ba)
‘enfants’ et ɖomaa (ɖom-ba)
‘serpents’.
Le
genre dérivé a pour marqueur de genre « ɖ ». Le marqueur de pluriel
qui lui revient a pour forme « a ». Les noms du genre dérivé tels que
kpɩzɩɖɛ (kpɩz-ɖɛ) ‘noix de cajou,
sp.’, tɛɖɛ (tar-ɖɛ) ‘palme de
raphia’, tɔnɖɛ (tɔn-ɖɛ) ‘peau’ et yɩɖɛ (yɩr-ɖɛ) ‘nom’ deviennent au
pluriel, respectivement kpɩza (kpɩz-a),
tara (tar-a), tɔna (tɔn-a) et yɩra (yɩr-a).
Le
genre menu a pour marqueur de genre « ka ». Le marqueur de pluriel
qui lui revient a pour forme « s ». Les noms du genre menu tels que yika (yi-ka) ‘calebasse’, liiya (li-ka) ‘francolin’, fɔɔ (fa-ka) ‘chien’ et baŋa (ban-ka) ‘cou’ deviennent au
pluriel respectivement yisi (yi-s), liizi (li-s), faazɩ (fa-s) et baazɩ (ban-s).
Le
genre neutre a pour marqueur de genre « k ». Le marqueur de pluriel
qui lui destiné a pour forme « t ». Les noms du genre menu tels que faawʋ (fa-k) ‘feuille’, komuu (kom-k) ‘fromager’, tɩɩwʋ (tɩ-k) ‘arbre’ et ɖaŋ (ɖam-k) ‘case’ deviennent au pluriel,
respectivement faadɩ (fa-t), komini (kom-t), tɩɩnɩ (tɩ-t) et ɖamɩnɩ (ɖam-t).
Remarque
A
la différence des marqueurs de genre « ʋ », « ɖ », « ka »
et « k » qui sont distincts, autonomes, le marqueur de pluriel, lui,
est unique. C’est la robe qu’il porte face à un genre donné qui lui donne des
apparences différentes à savoir « ba » pour le genre humain, « a »
pour le genre dérivé, « s » pour le genre menu et « t »
pour le genre neutre.
PS :
La transformation des formes de base entre parenthèses en formes réalisées en
italiques a été partiellement expliquée dans la leçon 3 du chapitre 2.
L’explication sera reprise avec plus de détails dans une prochaine leçon du
présent chapitre.
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