mercredi 27 juin 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : le nom Leçon 3 : Les genres et la répartition des noms

Le genre est un ensemble de noms réunis autour d’une propriété commune. Celle-ci est représentée par un affixe, mais il n’est pas indispensable qu’un nom affiche cet affixe. L’évolution de la langue peut amener un nom à figurer dans un genre dont il ne possède pas la propriété.

Le tem a cinq genres : quatre genres fondés sur des propriétés à caractère qualitatif (le genre humain, le genre dérivé, le genre menu, le genre neutre) et un genre fondé sur une propriété à caractère quantitatif (le genre dense).
1. Le genre humain

Le genre humain regroupe plusieurs catégories de noms d’humains.

Catégorie biologique :
ʋrʋ ‘personne’, alʋ ‘femme, femelle’, abaalʋ ‘homme, mâle’, bu ‘enfant’.

Catégorie sociale :
faɖʋ ‘cultivateur’, lʋʋrʋ ‘tisserand’, wuroɁ ‘roi’, njɛm ‘aveugle’, ʋgɔm ‘étranger’.

Catégorie de la parenté :
caaa ‘père’, kɔɔɔ ‘mère’, kaaa ‘sœur aînée’, newuu ‘cadet(te)’, ɖaalʋʋ ‘frère aîné’, biyaalʋʋ ‘fils’, wɛɛlʋʋ ‘fille’.

Catégorie des patronymes :
AbuɁ, ‘Abou, nom masculin’, SalaamaɁ ‘Salama, nom féminin’, Wuro KʋraɁ ‘Ouro-Koura ‘nom d’adulte masculin’.

Le   genre humain renferme beaucoup de noms d’animaux.

Reptiles :
taalʋ ‘ver de terre’, ɖom ‘serpent’, ɖʋʋ ‘python’, ɖaalʋ ‘serpent, espèce de, désormais sp.’, ɩyɩwʋ ‘crocodile, sp.’

Mammifères :
yuu ‘rat’, sɔɔ ‘chacal’, kpawʋ ‘antilope, sp.’, nyawʋ ‘guib harnaché’, tuu ‘éléphant’, fee ‘ovin’, nam ‘caprin’.

Volatiles :
suu ‘pintade’, ilim ‘faucon’.

Insectes :
tʋʋ ‘abeille’, izim ‘criquet pèlerin’, adɩrɩngbowu ‘guêpe’, agbokpowu ‘hanneton, sp.’, tiiwu ‘fourmi noire’.

Le   genre humain renferme même des êtres inanimés :
tem ‘arbre iroko’, urooduu ‘mois lunaire’, ʋjɔɔ ‘aiguille à coudre’.
2. Le genre dérivé

La langue tem distingue les êtres dont l’existence dépend de celle d’autres êtres et les érige en genre. La dérivation sémantique s’accompagne souvent de la dérivation morphologique ; aussi le nom de l’être dérivé dérive-t-il souvent de celui de l’être originel.

Dérivé à partir d’un être physique :
kpɩzɩɖɛ ‘fruit de kpɩzʋʋ (acajoutier, sp.)’, loore ‘fruit de loowu (liane fruitière, sp.)’, tɛɖɛ ‘palme de tarʋʋ (palmier raphia)’, wele ‘fruit de weluu (arbre, sp.)’, bʋʋrɛ ‘caillou, morceau de bʋʋ (montagne)’, tɔnɖɛ ‘peau, issue de tɔnʋʋ (corps)’.

Dérivé à partir d’une action :
mʋɖɛ ‘abcès’ dérivé de mʋrʋʋ ‘enfler’ ; fɛɖɛ ‘daba’ dérivé de farɩɩ ‘cultiver’ ; baarɛ ‘danse’ dérivé de baa ‘danser’ ; yɛlɛ ‘œuf’ dérivé de yaa ‘éclater’ ; yɩɖɛ ‘nom’ dérivé de yaa ‘appeler’.

Dérivé sans origine sémantique connue :
sele ‘masse métallique du forgeron’, ɖʋnɖɛ ‘genou’, kpɩnɖɛ ‘objet’, tiire ‘termite’, luure ‘lit en terre’.
3. Le genre menu

Etre menu ici, c’est être plus petit que la norme. Pourtant les noms ordinaires présents dans le genre menu désignent des êtres qui n’ont rien de spécialement menu :
yika ‘calebasse’, yɩka ‘corne’, liiya ‘francolin (perdrix)’, fɔɔ ‘chien’, fɔɔ ‘champ’, baŋa ‘cou’, loŋa ‘tambour d’aisselle’.

La propriété « menu » du genre n’apparaît que dans deux procédés : un procédé de dérivation et un procédé de qualification.

Le procédé de dérivation substitue à l’affixe ordinaire du nom celui du genre menu pour obtenir un nom désignant le même objet mais menu :
kpelɔɔ ‘petit tabouret’, dérivé de kpele ‘tabouret’ ; fɔɖɔɔ ‘petite plante rampante’ dérivé de fɔɖʋʋ ‘plante rampante’.

Le procédé de qualification utilise le radical qualifiant i qui exprime l’extrême petitesse. En tant que qualifiant le radical i peut s’associer directement au radical du nom qualifié (Rad-i-Affixe) soit se présenter autonome (Rad-Affixe # i-Affixe). Dans les deux cas, comme c’est la règle en la matière, l’affixe qui suit i doit être celui du nom qualifié. Or, avec le qualifiant i, c’est l’affixe du genre menu (ka) qui s’impose. Soit le nom abaalʋ ‘homme, mâle’ dont le radical est abaal et l’affixe ʋ. Dans la formule compacte de qualification on a /abaal-i-ka/ qui se réalise abaaliya ‘petit brave homme’ (applicable à un général d’armée de petite taille, par exemple). Dans la formule autonome de qualification on a /abaalʋ i-ka/ réalisé abaalʋ yɔɔ ‘bout d’homme’.
4. Le genre neutre

Dans une langue à deux genres, il n’y qu’une des deux propriétés qui a fait l’objet de choix. La seconde propriété est une propriété par défaut, elle représente ce qui n’est pas la première. Quand la langue a plus de deux genres, il y en a un qui récolte les noms rejetés par les autres propriétés qui, elles, ont fait l’objet de choix. Il est le genre neutre.

En tem, les noms rejetés par trois propriétés de qualité tombent dans le panier du genre qui est ni-humain, ni-dérivé, ni-menu, c’est-à-dire neutre, du point de vue de la qualité. Ces noms représentent :

des êtres géants, naturellement :
bʋʋ ‘montagne’, taawʋ ‘grand arbre, sp.’, baawʋ ‘palmier à huile’, laawʋ ‘forêt’, teluu ‘baobab’, komuu ‘fromager’, tɩɩwʋ ‘arbre’.

des normaux :
bɔɔwʋ ‘trou’, ɖaŋ ‘case’, faawʋ ‘feuille’, foowu ‘nœud’, lowu ‘gorge’, kʋjʋʋ ‘tête’.

des ethnonymes :
TemɁ ‘Tem’, KotokolíɁ ‘Kotokoli’, KabʋrɛɁ ‘Kabiyè’, AŋʋnaɁ ‘Ewé, Mina’, CamanaaɁ ‘Tchamba’.

des toponymes :
NɔɔɁ ‘la rivière Na’, NyalaɁ ‘le fleuve Mono’, KɩgbaafʋlʋɁ ‘la ville de Bafilo’, KadambaraɁ ‘Katambara’.

Quand il le peut, le nom d’emprunt s’intègre à un genre dont la propriété a fait l’objet de choix. Cela peut être grâce à l’euphonie, c’est le cas de lɔɔrɛ intégré au genre dérivé emprunté à l’anglais lorry. Cela peut dépendre de la présence dans l’emprunt de l’une des propriétés choisie ; c’est le cas de tɩɩlaɁ ‘tailleur’ emprunté à l’anglais tailor intégré au genre humain, et de bien d’autres emprunts désignant des métiers. En l’absence de ces deux moyens d’intégration, l’emprunt est systématiquement renvoyé au genre neutre.

La propriété « menu » exclut les êtres normaux en taille, à plus forte raison les géants. L’accueil de tous les êtres géants donne l’impression que le gigantisme a fait l’objet de choix pour le présent genre. Du coup il existe une dérivation augmentative qui tend à le confirmer : de kpele ‘siège’ dérive kpeluu du présent genre pour traduire ‘un grand siège’, de wule ‘nombril’ dérive wuluu du présent genre pour nommer ‘un gros nombril’. Mais en réalité on a affaire à un genre neutre.
5. Le genre dense

Le dense est ce  qui est quantifiable mais non comptable. Le riz, le mil, en grains, sont des êtres quantifiables à l’aide des instruments de mesure parce qu’il est impossible de les compter individuellement. Le dense c’est, en quelque sorte, le pluriel exagéré, un sur-pluriel. C’est donc une propriété de quantité à ne pas placer sur le même plan que les propriétés de qualité. L’examen de ce genre sera donc fait dans l’étude de la pluralisation dans les genres à propriétés qualitatives.


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