jeudi 21 juin 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : le nom Leçon 2 : La propriété classificatoire



L’homme dispose de ses cinq sens pour appréhender les êtres de son environnement. Il les identifier à partir de leurs apparences. L’apparence fournit aux cinq sens humains une foule de propriétés telles qu’il est impossible de les prendre toutes en compte. Pour simplifier, l’homme résume l’apparence par un nom que l’être doit être seul à porter, le nom propre. Avec ce procédé d’identification les six baobabs de mon village devraient porter six noms différents, chacune des mouches qui viennent visiter mon plat devra avoir son nom propre. A ce rythme la mémoire serait pleine avant d’avoir enregistré le millionième des noms des êtres de mon environnement quotidien.

Pour éviter de trop bourrer la mémoire, on a inventé le procédé du nom commun. Ainsi les six arbres du village vont être identifiés à partir des propriétés qu’ils ont en commun : « avoir des racines en partie visibles en partie invisibles », « avoir un tronc massif et boutonneux », « avoir des branches », « avoir des feuilles rares ». A cet ensemble de propriétés qu’il sera attribué le nom baobab. Grâce à ce nom, dénominateur commun aux six arbres de mon village, je peux désigner n’importe quel autre arbre semblable dans le monde. 

Le nom commun regroupe les propriétés communes à un groupe d’êtres semblables. Ces propriétés sont donc forcément limitées. C’est cette limitation qui établit la différence entre le nom commun et le nom propre. La liste des propriétés du nom commun est limitée, mieux, fermée, tandis qu’elle est ouverte pour le nom propre.

Le nombre limité des propriétés du nom commun attire une plus grande attention sur elles et permet de détecter de nouvelles propriétés communes à plusieurs noms communs. Ainsi, on s’aperçoit que le baobab a des propriétés communes avec le fromager, le manguier et d’autres êtres du même type. Ces propriétés peuvent faire l’objet d’un nouveau nom, arbre. Le nom arbre, à son tour, peut avoir des propriétés communes avec un autre nom, herbe par exemple. Ces nouvelles propriétés seront à l’origine du nom plante. Ainsi de dénominateur commun en dénominateur commun plus petit, l’on crée des noms qui en englobent d’autres, en somme des noms qui servent de chapeaux à d’autres : arbre sert de chapeau à baobab, palmier, manguier et plante sert de chapeau à arbre, fougère et champignon :

arbre = baobab, palmier, manguier, etc.

plante = arbre, fougère, champignon, etc.

Ce type de classement par chapeautage exige du locuteur un exercice intellectuel basé sur la connaissance préalable des êtres mis sous chapeau. Pour éviter un tel investissement intellectuel à l’auditeur, certaines langues font figurer dans le nom de l’être chapeauté le renseignement sur la nature de son chapeau. De sorte que rien qu’à entendre le nom, on sait la classe à laquelle appartient l’être nommé. Comment s’y prennent-elles ?

Le locataire dont le domicile est protégé par un chien de garde prend soin d’avertir le visiteur de la présence d’un chien en faisant figurer à l’entrée de la maison l’inscription ‘chien méchant’. C’est à peu près de cette façon que l’on procède pour signaler la présence, dans un nom d’une propriété partagée.

Soit N1, N2 et N3 des noms communs d’origine (NCO). Soit « a », « b » et « c » les propriétés de N1, « a », « d » et « e » les propriétés de N2, « a », « f » et « g » les propriétés de N3. On pourra écrire :

Formule 1 :

N1 = [a b c]
N2 = [a d e]
N3 = [a f g]

où [ ] délimite le champ des propriétés de chaque N.

La propriété commune « a » pourrait faire l’objet d’un nom-chapeau. Mais si la langue a choisi de montrer dans chaque N (N1, N2, N3) la présence de « a », elle va procéder de la façon suivante : 1) copie de la propriété « a » : on obtient « a » et sa copie « a’ » ; 2) placement de « a’ » hors du champ des propriétés de N : ainsi on passe de la formule 1 à la formule 2 suivante :


Formule 2 :

N1 = [[a b c][[a’]]
N2 = [[a d e][a’]]
N3 = [[a f g][a’]]

où l’on a, pour N1 par exemple, deux champs adjacents, [a b c] le champ des propriétés et [a’] le champ de la copie de la propriété commune, tous deux constitutifs du champ ([ ]) du nom N1.

Pour la verbalisation du nom, chacun des deux champs qui le constituent va se voir attribuer un schème phonique : au champ [a b c] qui représente le contenu sémantique de la racine on attribue le schème phonique de la racine et au champ « a’ » qui représente le guide des catégories on attribue le schème phonique de l’affixe :

Racine Affixe
|         |
N1 = [ [a b c] [a’] ]

Etant donné que la racine s’enrichit le plus souvent de propriétés ajoutées par un dérivatif, ce qui la transforme en radical, il est préférable de remplacer dans le schéma ci-dessus racine par radical (le radical pouvant se réduire à sa plus simple expression qu’est la racine). Ce qui donne :

Radical Affixe
|          |
N1 = [ [a b c] [a’] ]

Les langues qui, au lieu de faire de la propriété partagée un nom-chapeau, l’extériorisent en la faisant figurer dans le schème phonique du nom, sont appelées langues à genres nominaux et chaque propriété génératrice de genre est dite propriété classificatoire.

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