mercredi 1 août 2012

Initiation à la grammaire tem Chapitre 3 : Le nom Leçon 6 : Les propriétés du marqueur de genre

Le nom commun tem est composé au minimum d’un radical et d’un affixe. L’affixe représente deux sortes de marqueur : un marqueur de genre et un marqueur de pluriel. Le marqueur de genre présente quatre propriétés : son schème phonématique, son schème accentuel, sa position par rapport au radical et sa sensibilité par rapport au contexte d’insertion.

1. Le schème phonématique

Les quatre marqueurs de genre s’expriment à travers trois schèmes phonématiques : le schème V, le schème CV et le schème C. Les schèmes V et CV sont représentés, chacun, par un marqueur de genre. Le schème C, quant à lui, est représenté par deux marqueurs de genre.

En structure de base, comme le montrent les schèmes de marqueurs, on peut trouver des structures à syllabe finale ouverte (finissant par V) ou à syllabe finale fermée (VC). En structure de surface la langue reformate la structure de base afin de la transformer en structure à syllabes ouvertes exclusivement. Un radical de schème CV par exemple peut accueillir un marqueur de schème C. La structure /CVC/ qui en découle est acceptable comme structure de base. Mais en réalisation de surface, /CVC/ doit devenir [CVCV]. Au stade de la réalisation le schème C du marqueur se voit attribuer une voyelle épenthétique. Les deux marqueurs de schème C sont /ɖ/ et /k/. Au marqueur /ɖ/ il est affecté la voyelle de soutien [ɛ] et au marqueur /k/, la voyelle de soutien [ʋ]. En surface donc, les marqueurs /ɖ/ et /k/ deviennent [ɖɛ] et [kʋ], respectivement. Les voyelles [ɛ] et [ʋ] sont des soutiens apportées à la forme suffixée. En position de préfixe la voyelle de soutien est unique pour les deux marqueurs ; elle est [ɩ]. Donc en préfixe et en surface /ɖ/ et /k/ deviennent [ɖɩ] et [kɩ], respectivement.

Les quatre marqueurs sont donc, schème V : /ʋ/ du genre humain, schème CV : /ka/ du genre menu, schème C : /ɖ/ du genre dérivé et /k/ du genre neutre. Ces deux derniers ont une forme de surface différente de celle de base : ils sont réalisés [ɖɩ] et [kɩ] en position de préfixe et [ɖɛ] et [kʋ] en position de suffixe.

2. Le schème accentuel

Le corps du marqueur n’est pas fait que de schème phonématique. Celui-ci est associé à un accent. Le marqueur est la seule unité morphologique à être dotée d’accent. C’est donc lui qui apporte l’accent au nom commun où il est présent.

L’accent se manifeste sous quatre formes : la syllabe accentuée peut durer plus longtemps, peut être plus intense, elle peut avoir un niveau mélodique plus élevé, sa voyelle gagne en clarté de timbre. Chaque langue accentuelle valorise seulement une de ces formes de manifestation, les autres formes restant en latence. Le tem a choisi de valoriser la forme mélodique de l’accent. Aussi la syllabe accentuée tem a-t-elle le niveau mélodique d’un ton haut dans une langue à deux tons, le haut et le bas. Du coup, dans un mot où une syllabe accentuée cohabite avec une autre non accentuée, le niveau de celle-ci, par contraste, ressemble fort à celui d’une syllabe à ton bas d’une langue à deux tons.

L’accent a deux positions au choix par rapport au schème phonématique : soit il est fixé sur le schème du marqueur (il est alors représenté par H place à droite du schème phonématique du marqueur), soit il flotte, mais du côté du radical, donc à gauche puisque le marqueur ne peut être doté d’accent que s’il est en position de suffixe (il est alors représenté par H à gauche du schème phonématique du marqueur). Les marqueurs se présentent donc soit /ʋH/, /kaH/, /ɖH/ et /kH/, soit /Hʋ/, / Hka/, /Hɖ/ et /Hk/. Le positionnement de l’accent par rapport au schème phonématique du marqueur n’est pas prévisible. Mais quand il adopte une position face à un radical nominal, elle reste invariable.

3. La position par rapport au radical

Dans une langue à genres, le marqueur de genre est intimement associé au radical. Dans les langues à genres Niger-Congo il est soit exclusivement préfixé (cas des langues bantu) ou exclusivement suffixé (cas des langues ouest-atlantiques). En Gur la suffixation est la règle et le tem, langue Gurunsi, n’y déroge pas. Le marqueur de genre tem est donc un suffixe, exclusivement.

Le radical du nom commun peut être d’origine substantival ou verbal. Quand il est substantival, la position réglementaire est celle de suffixe. Soit Rad pour radical et x pour marqueur de genre. Avec un radical de substantif on aura la forme /Rad-x/. Mais quand il est d’une origine verbale, le marqueur de genre a tendance à l’embrasser pour confirmer sa prise par des marqueurs de substantif. Pour cela x se dédouble en x et x’ et prend le radical en accolade, ce qui donne la forme /x’-Rad-x/ au déverbal.

Les cas les plus fréquents d’accolade sont ceux où Rad est, à l’origine, un radical d’infinitif. L’infinitif est fait d’un radical verbal et d’un marqueur d’infinitif, on peut le schématiser en /Rad-z/ où z représente un marqueur d’infinitif. Soit l’infinitif /bɩr-Hɩ/ ‘verser, déverser’ réalisé bɩrίɩ. Pour dériver un substantif à partir du radical verbal /bɩr/, on lui affectera un marqueur de genre (x) à la place de son marqueur d’infinitif (z) et, au besoin, x le prendra en sandwich. Le marqueur de genre de service est /ɖ/. Ce marqueur prend en charge /bɩr/ en l’embrassant ; cela donne /ɖ-bɩr-ɖ/ qui signifie ‘jet de boisson versé par terre à l’intention des ancêtres’. Cette forme de base devient /ɖɩ-bɩr-ɖɛH/ puis se réalise ɖɩbɩɖέ.

4. Le mode d’insertion du marqueur

La suffixation du marqueur se traduit par la mise en contact du radical et du suffixe. Le produit de cette mise en contact tient compte des schèmes phonématiques du radical et du marqueur ainsi que du schème accentuel du marqueur. On examinera successivement le mode d’insertion des marqueurs en commençant par le plus simple, celui de schème V.

4.1. Le marqueur de genre /ʋ/

Si le schème du radical est fermé par C, le marqueur /ʋ/ se présente soit avec son accent fixé sur lui-même (/ʋH/), soit avec l’accent flottant (/Hʋ/). Dans le premier cas on a /yom-ʋH/ ‘esclave’, /nyaw-ʋH/ ‘guib harnaché’, /wol-ʋH/ ‘souris’, /faɖ-ʋH/ ‘cultivateur’, réalisés yoḿ, nyawύ, wolú et faɖύ, respectivement. Dans le second cas on /ʋ-kpam-Hʋ/ ‘chasseur professionnel’, /ʋ-fel-Hʋ/ ‘sorcier’ réalisés respectivement ɩgbám et ivéléu.

Si le schème du radical est ouvert par V, le marqueur se présente avec l’accent fixé sur lui (/ʋH/) ou flottant à sa gauche (/Hʋ/).

Dans le premier cas, les deux voyelles en contact (celle du marqueur et celle du radical) se coalisent selon le principe suivant : la voyelle du radical impose sa propriété ATR tandis que la voyelle du marqueur fournit les propriétés restantes, à savoir Ouv et Ro. C’est le cas dans /bi-ʋH/ ‘enfant’. La voyelle [i] du radical est +ATR, donc la voyelle résultant de la coalescence doit être +ATR. La voyelle [ʋ] est –Ouv et +Ro, donc la voyelle résultante, outre la propriété +ATR, doit avoir les propriétés –Ouv et +Ro. Cette voyelle n’est autre que [u]. C’est pourquoi /bi-ʋH/ se réalise .

Dans le second cas (flottaison de l’accent à gauche), l’accent se fixe sur la voyelle du radical. C’est ainsi qu’on a /yu-Hʋ/ ‘rat’, /tʋ-Hʋ/ ‘abeille’, /na-Hʋ/ ‘bovin’, /fe-Hʋ/ ‘ovin’, /sɔ-Hʋ/ ‘chacal’, réalisés yúu, tύʋ, náʋ, féu, sôʋ (ô pour ɔ accentué), respectivement. Parfois, si la propriété Ouv de la voyelle du radical est différente de celle de /ʋ/, c’est-à-dire si la voyelle du radicale est +Ouv (a, ɔ, ɛ, e, o), la voyelle du marqueur se laisse assimiler. C’est pourquoi on entend fée et sôɔ plus souvent que féu et sôʋ.

4.2. Le marqueur de genre /ɖ/

Le marqueur /ɖ/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/ɖH/) ou flottant à gauche (/Hɖ/). Face au radical, quel que soit le schème de celui-ci, le marqueur se présente plus souvent avec un accent flottant.

On trouve rarement un radical de schème CV pour /ɖ/. Parmi les occurrences relevées il y a /wɩ-Hɖ/ ‘jour’ réalisé wίrɛ, /ɖ-ko-ɖɛH/ ‘vestibule’ réalisé ɖugoré et /ɖ-kɛ-ɖɛH/ ‘herbe, sp.’ réalisé ɖɩgɛrέ. Le schème de radical le plus fréquent face au suffixe /ɖ/ est donc CVC.

Le C fermant du radical CVC peut être [r]. Dans ce cas, [r] étant une variante de la consonne /ɖ/, on assiste à une gémination. En tem, une gémination consonantique se réduit, au niveau de la réalisation à une consonne simple (-C1C1- se réalise -C1-). Aussi le complexe /rɖ/ se réduit-il à [ɖ]. C’est le cas dans /yɩr-Hɖ/ ‘nom’, /nyar-Hɖ/ ‘aulacode’, /tar-Hɖ/ ‘palme de raphia’ réalisés respectivement yίɖɛ, nyέɖɛ, tέɖɛ. C’est le suffixe /a/, substitut de /ɖ/ au pluriel, qui révèle la présence de la fermante [r] ; en effet, au pluriel yίɖɛ devient yɩrá (/yɩr-aH/), nyέɖɛ devient nyará (/nyar-aH/).

Le C fermant du radical CVC peut être [l]. Dans ce cas la consonne du marqueur est assimilée par la fermante du radical. On aboutit à la gémination /ll/ qui se résout en [l]. C’est le cas de /yɩl-Hɖ/ ‘sein’, /fol-Hɖ/ ‘nerf’, /kal-Hɖ/ ‘dent’, /yal-Hɖ/ ‘œuf’ réalisés respectivement yίlɛ, fóle, kéle et yέlɛ. Ici aussi, c’est la forme de pluriel qui révèle la consonne fermante : yɩlá ‘seins’, folá ‘nerfs’, kalá ‘dents’ et yalá ‘œufs’.

Le C fermant du radical CVC peut être [n]. Dans ce cas [n] se transforme en propriété nasale au profit de la voyelle du radical qu’elle suit immédiatement. Pour des raisons de commodité à la place d’une voyelle portant un tilde, on écrira cette voyelle suivie de n. Citons l’exemple de /tɔn-Hɖ/ ‘peau’, /sɔwɔn-Hɖ/ ‘haricot’, /ɖ-kɛwɛn-Hɖ/ ‘haricot vert’ réalisés respectivement tônɖɛ, sɔônɖɛ et ɖɩgɛέnɖɛ. La forme du pluriel restitue la consonne fermante : tɔná ‘peaux’, sɔɔnέ ‘haricots’ et agɛɛnέ ‘haricots verts’.

Si le C fermant du radical CVC est [m], il se maintient seul ou avec le soutien d’une copie de la voyelle voisine. Sans soutien vocalique on a /kom-Hɖ/ ‘fromager’, /tom-Hɖ/ ‘bouton de peau’ et /kawam-Hɖ/ ‘courge’ réalisés koḿre, toḿɖe et kaa ḿrɛ respectivement. La forme de pluriel offre à [m] l’occasion de se réaliser avec le soutien d’une voyelle : komá, tomá et kaamέ dans l’ordre. Quand il y a un soutien vocalique, il est fourni par une copie de la voyelle du suffixe ; c’est le cas de /tɩm-Hɖ/ ‘travail’ qui devient /tɩ-mɛ-Hɖɛ/ avant de se réaliser tɩmέrɛ, de même que /kɩm-Hɖ/ ‘prêt, emprunt’ qui devient /kɩ-mɛ-Hɖɛ/ avant de se réaliser kɩmέrɛ. Au pluriel on a tɩmέ (prononciation de /tɩm-aH/) ‘travaux’ et kɩmέ(prononciation de /kɩm-aH/) ‘prêts, emprunts’.

Le C fermant du radical CVC peut être [w]. Dans ce cas trois possibilités se présentent : soit [w] se maintient sans soutien vocalique, soit [w] fait appel à une voyelle de soutien, soit [w] reste muet. Le cas où [w] reste audible sans soutien vocale est représenté par /sɔw-Hɖ/ ‘piquant’ et /sɔw-Hɖ/ ‘mortier’ réalisés respectivement sɔẃɖɛ et sɔẃrɛ. Quand, pour se rendre audible, [w] fait appel à une voyelle de soutien, sa porosité est telle que c’est la voyelle du radical qui lui fournit sa copie au lieu de celle du suffixe ; ainsi le radical /CVw/ devient /CV1wV1/. Embrassée par la même voyelle, [w] perd sa propriété d’obstacle et tombe. De /CV1wV1/ on aboutit à CV1V1 dont la séquence V1V1 se comporte comme un noyau syllabique unique. Aussi, l’accent flottant qui devait se fixer sur [w] se fixe-t-elle sur chaque élément de la séquence V1V1. C’est le cas de /ɖ-fow-Hɖ/ ‘pigeon’ transformé en /ɖ-fowo-Hɖ/ avant de se réaliser ɖuvóóre (pl. avówa) ou de /ɖ-bow-ɖH/ ‘entrave pour homme (esclave, fou)’ transformé en /ɖ-bowo-ɖH/ avant de se réaliser ɖubooré. Enfin, troisième éventualité, [w] peut se rendre muette. Seule la réalisation forte de /ɖ/ malgré la contiguïté de la voyelle du radical atteste de sa présence. La plupart des infinitifs de schème CVm comme sốm ‘piquer’, tím ‘descendre’, cέm ‘couper’ proposent à leur racine CV un élargissant [w] en vue d’une dérivation déverbale ; ainsi de sốm on tire le radical /sɔw/ attesté dans sɔẃɖɛ ‘piquant’ évoqué ci-dessus. A l’instar de sốm/sɔw, on aura tím/tiw, cέm/cɛw. Dans certains CVw, [w] se rend audible avec ou sans soutien vocalique (cas de sɔẃɖɛ et de ɖuvóóre), mais dans d’autres [w] reste muette : c’est le cas de /ɖ-cɛw-ɖ/ ‘bouchée de pâte’ réalisé ɖɩjɛɖɛ (pl. ajʋwa réalisation de *ajɛwa).

4.3. Le marqueur de genre /ka/

Le suffixe /ka/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/kaH/) ou flottant du côté du radical (/ Hka/). Ce que devient le suffixe dépend du schème qui lui propose le radical.

Si le schème du radical finit par V, au contact de ce V, la consonne /k/ du suffixe s’affaiblit en perdant sa propriété d’obstacle. D’occlusive /k/ devient constrictif. Cette constrictive est [y] si V du radical est l’un des timbres suivants : i, ɩ, ʋ, u, ɛ, e et si le marqueur de genre /ka/ embrasse le radical. Exemples : /ka-ti-Hka/ ‘ficus, sp.’ se réalise kedíya, /ka-cɔɔrɩ-ka/ ‘coup de main’ se réalise kɔjɔɔrɩya, /ka-a-lʋrʋ-ka/ ‘femme stérile’ se réalise kaalʋrʋya, /ka-wulu-Hka/ ‘you-you’ se réalise kowulúya, /ka-sɛɛ-ka/ ‘bonus’ se réalise kɛzɛɛya. La constrictive est [w] si V est u et si le radical n’est pas embrassé. Exemple : /bu-kaH/ ‘cours d’eau’ se réalise buwá. La constrictive est encore [w] si V du radical est l’un des timbres suivants : a, ɔ. Exemples : /fa-Hka/ ‘chien’ se réalise fáa dans le parler assoli et fôɔ dans le parler caawʋjɔ, /fɔ-kaH/ ‘champ’ se réalise fɔô.

Si le schème du radical est CVC, la consonne fermante reçoit le soutien d’une copie de la voyelle du marqueur. Ainsi /CVC-ka/ devient /CV-Ca-ka/. Dans ces conditions, la consonne du marqueur perd sa propriété d’obstacle et tombe : /CV-Ca-ka/ se réalise [CVCaa] en assoli ou [CVCɔɔ] en caawʋjɔ actuel. C’est ainsi qu’on a /kol-kaH/ ‘hameçon’ réalisé kolɔô, /fen-ká/ ‘lune’ réalisé fenɔô, /fɔɖ-ká/ ‘herbe rampante, sp.’ réalisé fɔɖɔô et /tɩn-ká/ ‘bassin du corps humain’ réalisé tɩnɔô.

Si le schème du radical est CVn et que le marqueur fixe lui-même son accent la nasale fermante et la consonne du suffixe ont des destins différents comme on l’a vu avec fenɔô et tɩnɔô. Mais si le marqueur ne fixe pas son accent il paraît plus faible et donc plus vulnérable. Dans ces conditions, on assiste plus souvent à une coalescence entre les deux consonnes : /nk/ se réalise alors [ŋ]. Voilà pourquoi /ban-Hka/ ‘cou’ se réalise báŋa, /lon-Hka/ ‘tambour d’aisselle’ se réalise lóŋa, /ka-tɔn-Hka/ ‘rire’ se réalise kɔdôŋa. Toutefois on relève quelques cas de coalescence bien que le marqueur fixe son accent : /ka-lon-kaH/ ‘mur’ réalisé koloŋá, /ka-tan-ká/ ‘gifle’ réalisé kadaŋá.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [w], c’est de la voyelle du radical qu’elle reçoit une copie pour son soutien, de sorte que /CV1w/ se transforme en /CV1wV1/. Pris en sandwich par le même timbre vocalique [w] tombe et /CV1wV1/ devient /CV1V1/. C’est dans cet état que le radical se présente devant /ka/. Dans ce contexte la réalisation la réalisation affaiblie de la consonne suffixe /k/ est [y] de préférence celle attendue, [w] si la voyelle radicale est -Ouv (i ɩ ʋ u). C’est ainsi que /cuu-ka/ ‘pluie fine’ se réalise cuuya, /lii-ká/ ‘francolin’ se réalise liiyá.

Fermante, la consonne [w] peut choisir d’être muette. Elle sert alors de bouclier à la consonne du suffixe contre l’influence affaiblissante de la voyelle radicale, ce qui lui permet de se réaliser forte ([k]). C’est de cette façon qu’on a /ka-fɔw-kaH/ ‘champignon’ réalisé kɔvɔká, /ka-tiw-ka/ ‘descente’ réalisé kedika, /ka-cɩw-ka/ ‘taquinerie amoureuse’ réalisé kajɩka. Mais [w] n’est pas la seule consonne fermante à se faire muette. Il y en a qui, grâce à l’origine du radical, sont identifiables. C’est le cas de /ka-bir-Hka/ ‘singe noir, sp.’ réalisé kebika, dont le radical /bir/ vient de l’infinitif biríi ‘devenir noir’. Mais toutes les consonnes muettes ne sont pas identifiables. C’est le cas avec yíka ‘calebasse’ dont la forme de base est /yiC-Hka/, keliká ‘billon’ dont la forme de base est /ka-liC-kaH/, où C représente la consonne fermante non-identifiée.

Avec le substantif de qualification /i-kaH/ ‘petitesse’, la consonne du suffixe se réalise soit [y] soit [k]. Quand /i-kaH/ s’associe à un radical nominal pour constituer avec lui un composé de qualification, il peut avoir affaire à un radical de schème ouvert (CV) ou fermé (CVC). Avec un schème ouvert comme /bi/ ‘enfant’ dans /bi-i-kaH/ ‘tout petit enfant’, la consonne /k/ est affaibli ; il devrait se réaliser alors [w] mais la propriété de palatal du timbre [i] le transforme en une semi-voyelle palatale, d’où la réalisation biiyá de /bi-i-kaH/. Mais avec un schème radical fermé le radical du qualifiant, /i/, disparaît après avoir imposé sa propriété +ATR à la voyelle du radical. Du coup, /k/ se trouve face à une consonne fermante. C’est pourquoi le radical /nʋw/ ‘main’ devient /niw/ puis [nii] dans /nʋw-i-kaH/ ‘doigt’ qui se réalise niiká. parfois le contexte palatal est si fort que /k/ est obligé de se réaliser [y]. C’est le cas dans /faHw-i-kaH/ ‘chiot’ qui devient /feHy-kaH/ avant de se réaliser féyyá ainsi que dans /baHw-i-kaH/ ‘jeune palmier’ réalisé béyyá. Le contact direct entre /k/ du suffixe et une consonne nasale fermante du radical aurait dû conduire à une coalescence qui transformerait Nk en [ŋ]. Mais la consonne suffixale se maintient, probablement grâce à l’accent que porte sa syllabe. C’est ainsi qu’avec le radical /sɔm/ ‘viande’, on a /sɔm-i-kaH/ ‘morceau de viande’ qui se réalise soŋká et qu’avec /ɖɛn/ ‘bâton, bois’, on a /ɖɛn-i-Hka/ ‘brindille’ réalisé ɖeńka.

4.4. Le marqueur de genre /k/

Le marqueur /k/ se présente avec l’accent fixé sur lui (/kH/) ou flottant à gauche (/Hk/). En position de suffixe, /k/ bénéficie de la voyelle de soutien [ʋ] ; il devient donc [kû] (à partir de ce paragraphe û représente ʋ accentué) ou [ ́kʋ]. Ce que devient le suffixe dépend du schème qui lui présente le radical.

Si le schème du radical finit par V, la consonne du marqueur s’affaiblit au contact de cette voyelle et devient [w] : /lo-kH/ ‘gorge’ se réalise lowú ou loẃ, /k-ca-Hk/ ‘entre-deux billons’ se réalise kɩjáwʋ ou kɩjáw, /k-na-kH/ ‘pouvoir divinatoire’ se réalise kɩnawû ou kɩnaẃ. Mais si V radical est de timbre [ʋ] ou [u] comme la voyelle de soutien de la consonne suffixale, alors [w], pris entre deux timbres identiques, tombe : /bʋ-Hk/ ‘montagne’ se réalise bûʋ, /su-Hk/ ‘pintade’ se réalise súu.

Si le schème du radical est CVC, la consonne fermante reçoit en soutien une copie de la voyelle du marqueur [kʋ]. Ainsi /CVC-k/ devient /CV-Cʋ-kʋ/. Dans ces conditions, la consonne suffixale perd sa propriété d’obstacle et tombe : /CV-Cʋ-kʋ/ se réalise [CVCʋʋ]. C’est ainsi qu’on a /tɔn-kH/ ‘corps’ réalisé tɔnʋû, /kel-Hk/ ‘aile’ réalisé kelúu, /fɔɖ-kH/ ‘herbe rampante, sp.’ réalisé fɔɖʋû et /tɩm-Hk/ ‘calebassier’ réalisé tɩmûʋ.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [w], c’est la voyelle du radical qui lui offre, par copie, la voyelle de soutien ; ainsi /CV1w/ se transforme en /CV1wV1/. Pris en sandwich par le même timbre vocalique [w] tombe et /CV1wV1/ devient /CV1V1/. Le contexte vocalique dans lequel s’installe le suffixe affaiblit sa consonne qui devient [w]. C’est ainsi qu’on a /bɔw-kH/ ‘trou’ qui devient /bɔwɔ-kH/ avant sa réalisation en bɔɔwû ou bɔɔẃ, /baw- Hk/ ‘palmier à huile’ qui devient /bawa-Hk/ avant la réalisation bááwʋ ou bááw, /tɩw-kH/ ‘arbre’ qui devient /tɩwɩ-kH/ avant sa réalisation tɩɩwû ou tɩɩẃ.

Si la consonne fermante du CVC du radical est [m], elle se coalise avec la consonne suivante : la séquence -Nk- devient alors -ŋ-. Avec [ŋ], la voyelle finale -Ouv (ʋ, ɩ, i, u) disparaît : ainsi /CVNkʋ/ devient /CVŋʋ/ puis [CVŋ]. Le phénomène est attesté dans /ɖam-kH/ ‘case’ qui devient /ɖa-ŋû/ avant de se réaliser ɖań (ń pour ŋ accentué) ; il est attesté également dans /k-sam-kH/ ‘arbre, sp.’ qui devient /kɩ-sa-ŋû/ avant de se réaliser kɩzań, dans /k-tɔm-kH/ ‘maladie’ qui devient /kʋ-tɔ-ŋû/ pour finir par kʋdɔń.

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